Point d’étape sur les bénéfices environnementaux de l’agriculture urbaine

kaboompics_Green garden plants

Avant de déployer l’agriculture urbaine à large échelle, il serait sage de disposer d’analyses validant ses bénéfices environnementaux…

Une équipe de recherche de la Technical University of Denmark et du Massachusetts Institute of Technology a rassemblé l’information scientifique existante sur les principales formes d’agriculture urbaine présentes dans les climats des pays développés. Leur travail montre qu’étant donnée la grande diversité de l’agriculture urbaine, les preuves scientifiques de ses bénéfices environnementaux sont encore lacunaires. Leur article met cependant en évidence trois facteurs qui joue un rôle dans la pertinence environnementale du développement de l’agriculture urbaine : la méthode de production, le produit et la localisation des cultures.

Un grand nombre de bénéfices potentiels… dont beaucoup encore à démontrer

Un des premiers résultats qui émerge de la littérature scientifique est, sans surprise, qu’il ne faut pas limiter la question de l’impact environnemental à celle des émissions de gaz à effet de serre. Les bénéfices potentiels de l’agriculture urbaine vont bien au-delà. On peut citer :

  • L’augmentation de la symbiose urbaine, c’est-à-dire de l’utilisation des flux de matériaux et d’énergie de la ville par elle-même. Les plantes peuvent assimiler le carbone et les nutriments issus des résidus urbains que sont le compost, les eaux usées ou les eaux de pluie. Ceci, bien sûr, à condition que ces derniers ne soient pas pollués par des métaux lourds, ou, en ce qui concerne les eaux de pluie, qu’elles ne déposent pas de polluants sur les plantes. Lorsqu’elle est intégrée à un bâtiment, l’agriculture urbaine peut également réduire ses besoins en énergie. De façon passive, lorsque, par exemple, les plantes améliorent l’isolation du bâtiment. Ou alors de façon active, quand les plantes utilisent la chaleur produite par le bâtiment mais dont il n’a pas besoin.
  • L’amélioration de l’efficacité des chaines alimentaires (produire plus avec moins d’énergie ou de ressources). Par exemple, en réduisant le transport des produits ou le gaspillage alimentaire.
  • Des bénéfices environnementaux in situ. Il est maintenant bien établi que l’agriculture urbaine permet de lutter contre les îlots de chaleur urbains car les plantes absorbent une partie de la chaleur du soleil. D’autres bénéfices potentiels sont l’amélioration de la stabilité du sol et de son contenu en carbone organique, ou la réduction du volume d’eau à absorber par les égouts.
  • Des bénéfices environnementaux plus généraux, comme le fait de réduire l’empreinte carbone de l’alimentation (ce qui a fait l’objet de nombreuses études) ou de séquestrer le carbone (ce qui a été moins étudié).

D’une façon générale, l’analyse montre que l’agriculture urbaine est très diverse. Peut-on vraiment comparer jardins familiaux et fermes verticales ? Serres sur les toits et cultures en plein terre ? Même si de nombreux projets de recherche sont en train de travailler sur la question et apporteront des réponses dans les années à venir, les connaissances scientifiques restent lacunaires pour le moment. Les analyses existantes se concentrent généralement sur une méthode de culture ou un produit spécifique, et les comparaisons restent rares. Il n’est donc pas possible de répondre de façon simple à la question des bénéfices environnementaux de l’agriculture urbaine.

Les villes ne doivent pas cependant être découragées par une telle conclusion. En effet, la littérature existante tout de même d’identifier trois facteurs qui influencent l’impact environnemental de l’agriculture urbaine : les méthodes utilisées pour cultiver, le produit cultivé, et la localisation. Ces facteurs jouent sur la productivité des cultures ainsi que sur la quantité de ressources nécessaires à la production (en sachant que plus l’agriculture urbaine peut intégrer des flux de ressources urbains résiduels, moins elle aura d’impact).

Intrants et quantités produites : le mode de culture compte…

Le mode de culture joue un rôle crucial dans le potentiel environnemental de l’agriculture urbaine, même si la recherche est loin d’être stabilisée sur le sujet. D’un côté, les méthodes qui ont la meilleure productivité sont aussi celles qui nécessitent le plus d’intrants, ce qui rend difficile de conclure sur les bénéfices environnementaux. Par exemple, les systèmes où la température est constamment régulée sont intéressants pour produire tout au long de l’année, réduire les invasions de parasites et protéger les cultures de la météo, mais dans quelle mesure cela compense-t-il l’énergie nécessaire à réchauffer ou refroidir l’air, et celle pour la construction de la structure du bâtiment qui abrite les cultures ? A l’heure actuelle, il n’existe pas de conclusion stabilisée sur ce point.

D’un autre côté, les méthodes nécessitant peu d’intrants, comme, par exemple, la culture en plein terre des jardins potagers peut potentiellement alléger l’empreinte carbone de l’alimentation (sous réserve de ne pas utiliser d’intrants gourmands en ressources) et absorber des flux urbains comme l’eau ou des nutriments (à travers le compost, par exemple). Cependant, ces méthodes ont tendance à avoir une productivité moindre par rapport aux systèmes plus technologiques comme les serres (conditionnées ou non) ou des dispositifs « high-tech » tels que l’hydroponie.

Dans le même esprit, toute choses étant égales par ailleurs, les systèmes qui sont capables de capter les flux urbains (eau, déchets, nutriments) auront un impact environnemental moindre que ceux qui créent une demande supplémentaire en ressources.

… de même que les produits et la localisation

Le type d’aliment produit a également un impact sur la performance environnementale de l’agriculture urbaine. Par exemple, le fait de cultiver plusieurs produits au même endroit peut être positif en termes de biodiversité. Les légumes à fort rendement (comme des tomates ou des aubergines) améliorent l’empreinte carbone de l’alimentation produite.

La localisation joue aussi un rôle. Par exemple, la capacité des cultures sur toit à réduire les besoins en énergie d’un bâtiment dépend des climats. Une étude a par exemple trouvé qu’à Athènes, les cultures sur toit augmenteraient les besoins de chauffage en hiver à cause de l’évapotranspiration.

Reconnaître la diversité de l’agriculture urbaine

Les conclusions de ce travail sont d’un grand intérêt pour les villes. Tout d’abord, parce qu’ils montrent que toute forme d’agriculture urbaine n’est pas bénéfique d’un point de vue environnemental juste parce qu’elle produit de l’alimentation en ville.

D’après Benjamin Goldstein, l’auteur principal de l’article, les villes devraient réfléchir à quelle technologie est la plus pertinente étant donnés leur contexte et les ressources disponibles. Elles devraient s’assurer que l’agriculture urbaine peut, autant que possible, utiliser les flux de ressources résiduels (sous réserve que ceux-ci ne puissent pas être utilisés plus efficacement à d’autres fins).

L’article met également en lumière une contradiction potentielle entre les bénéfices environnementaux et sociaux de l’agriculture urbaine. En effet, les types d’agriculture urbaine qui ont le plus de potentiel en termes sociaux, comme les jardins partagés ou ouvriers, sont également ceux qui ont la productivité la moins importante. Ils sont généralement gérés par des organisations à but non lucratif qui recherchent un large spectre de bénéfices (éducation, lien social…) au-delà de la seule production alimentaire. Au contraire, les systèmes qui reposent sur des technologies avancées ont une productivité plus importante mais sont aussi plus souvent gérés par des entreprises privées avec peu d’implication des habitants. Les politiques de soutien à l’agriculture urbaine doivent alors rechercher un équilibre entre bénéfices sociaux et environnementaux.

 


Albane GASPARD – Mars 2018

L’auteure remercie Benjamin Goldstein pour sa relecture et ses conseils

Source: Goldstein, B., Hauschild, M., Fernández, J., & Birkved, M. (2016). “Urban versus conventional agriculture, taxonomy of resource profiles: a review”. Agronomy for sustainable development, 36(1), 9.

Crédit photo : Kaboompics

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