Ces circuits représentent une stratégie collective qui permet aux producteurs de récolter les fruits de leurs bonnes pratiques.
Ils aident à construire un système alimentaire plus résilient en permettant à des producteurs de taille petite ou moyenne de rester en activité.
Les politiques alimentaires devraient inciter les producteurs à s’allier et coopérer.
Marcia Ostrom, Kathryn De Master, Egon Noe, et Markus Schermer ont récemment coordonné un numéro spécial dans The International Journal of Sociology of Agriculture and Food qui explore les circuits alimentaires basés sur des valeurs en Europe et en Amérique du Nord. Ce numéro montre la nécessité d’explorer et de mettre en avant les valeurs portées par les acteurs des systèmes alimentaires alternatifs (santé, qualité de vie, relations sociales…).
Au-delà des circuits courts
La demande pour une alimentation locale et biologique se développe en Europe et en Amérique du Nord.
Cependant, tout le monde ne peut pas accéder aux marchés de vente directe, mode de distribution principal de ces produits. D’un côté, beaucoup de producteurs ont des difficultés à développer des systèmes de paniers, à tenir des stands sur les marchés ou à entrer dans les dispositifs d’approvisionnement des restaurants ou des supermarchés. De l’autre, de nombreux consommateurs n’ont pas les moyens de payer plus cher leur alimentation, ou n’ont pas accès aux marchés, que ce soit pour des raisons logistiques ou culturelles.
Bien que la notion d’alimentation locale ait bénéficié d’une grande attention ces dernières années, elle soulève de nombreuses questions. C’est pourquoi certains scientifiques et acteurs de terrain choisissent de mettre l’accent sur d’autres dimensions des systèmes alimentaires qui peuvent faire la différence, à savoir les pratiques des acteurs, les institutions et les outils de commercialisation.
Les valeurs en première ligne
Dans l’article introductif de ce Numéro spécial, les auteurs explorent les différentes valeurs mises en avant par ces circuits (sociales, culturelles, économiques, environnementales, qualité…), tandis que les cas d’étude analysent plus en détail les opportunités et les défis que rencontrent les petits et moyens producteurs lorsqu’ils créent ensemble un circuit de distribution.
Ces circuits basés sur les valeurs ne sont pas synonymes de circuits courts. Tandis que les circuits courts cherchent à faciliter la mise en relation entre producteurs et consommateurs, pour casser l’opacité des circuits conventionnels, les circuits basés sur les valeurs explorent d’autres voies que la seule proximité.
Ces chaines alimentaires représentent une stratégie collective pour permettre aux producteurs de récolter les fruits de leurs bonnes pratiques. La dimension collective est essentielle : seuls, les producteurs ne seraient pas en capacité de concurrencer l’alimentation conventionnelle.
Les valeurs mises en avant ne sont pas seulement économiques : il s’agit de transparence, de valeurs partagées sur le long-terme, de prise de décision collective, de communication commune et une obligation d’équité tout au long de la chaine de valeur. Comme le montrent les cas d’étude européens du projet HealthyGrowth, les participants à ces circuits différencient leurs produits en construisant un récit sur leurs valeurs, en expliquant leurs engagements de qualité, de protection de l’environnement et de coopération.
Quelque part entre le local et le conventionnel
De quelle manière ces circuits peuvent-ils se développer ? Déjà organisés à une échelle plus régionale que locale, ils peuvent occuper une place entre les circuits d’approvisionnement locaux et ceux plus conventionnels et plus mondialisés, dont ils se différencient en mettant l’accent sur les valeurs qui les portent.
Ces circuits s’inscrivent dans la logique existante du marché. Cependant, ils aident à construire un système alimentaire plus résilient en permettant à des producteurs de taille petite ou moyenne de rester en activité. En effet, en leur offrant la possibilité d’agréger leur production, ils leur permettent d’éviter de choisir entre s’engager dans des circuits commerciaux internationaux ou mettre la clé sous la porte.
Inciter les producteurs à coopérer
Le développement de ces circuits alimentaires rencontre quelques défis, et notamment, le besoin d’infrastructure et le soutien des institutions publiques. Ce soutien est important pour éviter leur affadissement dans des circuits conventionnels.
Il est important que le soutien soit adapté au contexte et à la localisation de ces circuits. Un exemple est le travail fait par Tamar Grow Local, qui travaille avec les autorités locales et les producteurs locaux pour permettre à des ménages modestes d’accéder à une alimentation de qualité et de garantir un revenu stable aux producteurs.
Un point clé à garder en tête est que ces circuits alimentaires sont aussi divers que les territoires dont ils émanent. Leur développement sera donc différent d’un endroit à un autre.
Lorsque c’est possible, les politiques alimentaires devraient inciter les producteurs à s’allier et coopérer. En effet, pour que ces circuits fonctionnent, les stratégies des différents acteurs de la chaine doivent s’aligner. Les phases de transformation doivent être portées par un récit commun. En cela, la coopération entre acteurs est clé.
Emma BURNETT – Mai 2019
Urban Food Futures remercie Kathryn De Master pour sa relecture et ses conseils
Crédits photo : Image by Michal Jarmoluk from Pixabay
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