La démographie, la croissance économique et les politiques sont parmi les facteurs clé de l’étalement urbain.
L’étalement urbain doit être géré à l’échelle nationale ou régionale.
Un enjeu central est de repenser la densité (des villes, des zones d’activités, des zones rurales).
L’urbanisation pose d’importantes questions pour la sécurité alimentaire et la pérennité de l’agriculture près des villes. Or, de façon surprenante, si l’étalement urbain est un phénomène bien documenté, ses causes, elles, n’avaient jamais fait l’objet d’une revue de littérature scientifique complète à ce jour.
Quels sont les facteurs principaux à l’œuvre dans l’étalement urbain, et que peut-on faire pour les contrer ? Dans un article publié dans Land Use Policy, des chercheurs de l’IDDRI et du CIRED passent en revue les causes principales analysées dans la littérature scientifique.
Démographie, croissance économique et … politiques
Quand on parle d’étalement urbain, la première cause qui vient en tête est la croissance économique. Quand un pays devient plus riche, la demande de logements, de loisirs ou d’espaces de production s’envole. Cependant, les chercheurs ont trouvé que la croissance n’est pas la cause de tout. En effet, l’étalement urbain peut être très différent entre deux pays ayant le même taux de croissance.
Il faut donc s’intéresser à d’autres causes mises en lumière par la littérature :
- La démographie (et les migrations): plus la population d’un pays est importante, plus ses villes sont grandes ? La relation de cause à effet n’est pas si simple, et, dans la plupart des pays européens, par exemple, les villes grossissent plus vite que la population. Il faut donc aussi prendre en compte le nombre de personnes par ménage, et les choix résidentiels. Si la taille des ménages diminue ou s’ils choisissent de vivre en maison individuelle, la démographie aura un impact important sur l’étalement urbain.
- Les politiques mises en œuvre, notamment dans les transports. Les infrastructures de transport tendent à engendrer un étalement en rendant de nouvelles zones accessibles au développement. De fait, les villes qui ont un réseau de transport dense sont moins sujettes à l’étalement.
Quels sont les facteurs les plus importants ? La littérature scientifique n’est pas encore assez mûre pour répondre à cette question. D’après Alice Colsaet, l’auteure principale de cet article, il est intéressant de noter que les politiques sont toujours mentionnées comme un facteur, mais que leur poids réel n’est pas bien étudié. Il faut donc entreprendre plus de recherches sur cette question.
L’agriculture aux prises avec l’étalement urbain
L’agriculture peut-elle résister à l’étalement urbain ? Cela va dépendre de sa capacité à contenir la ville. Si l’agriculture est rentable et dynamique, cela aidera à maintenir les surfaces agricoles.
L’article met en lumière les facteurs clé qui aident au maintien de l’agriculture péri-urbaine : des prix du foncier agricole élevés, une rentabilité élevée (pour éviter que les agriculteurs vendent leurs terres à d’autres usages), une productivité élevée et une faible fragmentation des parcelles.
La densité : la nouvelle frontière urbaine
Que peut-on faire pour réduire l’étalement urbain ? La planification urbaine est le premier levier. Par exemple, les réseaux de transport doivent être pensés avec soin pour favoriser la densité, et priorité doit être donnée au renouvellement urbain.
Un enjeu central est de repenser la densité. D’après Alice Colsaet, il n’existe pas d’imaginaire partagé de la densité vivable. Et ce, que ce soit pour les villes, pour les zones d’activité ou pour les zones rurales.
Aujourd’hui, l’aménagement doit faire face à quelques dilemmes en termes de densité. Par exemple, si une politique encourage la présence d’espaces verts dans les nouveaux quartiers, elle peut contribuer à l’étalement urbain. Les villes doivent trouver des façons créatives de combiner densité et espaces verts.
L’urbanisme est-il la clé contre l’étalement urbain ?
Les politiques locales d’urbanisme ne sont pas, cependant, le seul levier d’action. Tout d’abord, parce que les collectivités locales sont souvent prises dans une injonction contradictoire qui leur demande, d’un côté, de lutter contre l’étalement urbain, mais, de l’autre, d’être en compétition avec leurs voisins pour attirer de la population et des activités économiques (et les ressources fiscales associées).
Ensuite, parce que, plus généralement, l’étalement urbain doit être géré à l’échelle nationale ou régionale. C’est à cette échelle en effet qu’on peut réfléchir aux migrations internes et empêcher que certaines zones deviennent très attractives au détriment d’autres qui perdraient des habitants. C’est également la bonne échelle pour répartir les efforts entre territoires et rendre les objectifs de préservation des sols vraiment opérationnels, en les intégrant dans les documents d’aménagement cadre. Par exemple, Alice Colsaet souligne qu’en France, il est difficile de juger de l’ambition des documents d’urbanisme en terme d’étalement urbain car il n’existe pas d’orientation nationale sur ce qui consisterait une « juste urbanisation ». Il est donc temps d’investir dans des politiques nationales pour empêcher les villes de mettre en danger notre sécurité alimentaire.
Albane GASPARD
Juin 2019
Urban Food Futures remercie Alice Colsaet pour sa relecture et ses conseils
Source : Colsaet, A., Laurans, Y., Levrel, H. (2018), What drives land take and urban land expansion? A systematic review, Land Use Policy, Volume 79, pp.339-349,
Crédits photo : Image by Dominique Knobben from Pixabay
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