Le soutien du Maire peut être un vrai atout pour les conseils de politique alimentaire mais peut aussi, dans certains cas, jouer contre eux.
Ces derniers doivent prendre très au sérieux leur capacité à survivre aux cycles politiques.
Ils doivent réfléchir aux bénéfices et limites de l’espace politique où ils se trouvent.
Quand les groupes locaux de politique alimentaire se forment, ils se tournent rapidement vers les collectivités locales. Obtenir un soutien politique est clé pour atteindre leurs objectifs. Des chercheurs de l’Université de Londres (City University) et de l’Université du Hertforshire (Royaume-Uni) ont analysé l’impact du soutien par les Maires pour ces groupes (‘food policy councils’, ‘food partnerships’, conseils de politique alimentaire…). Ils montrent que le soutien du Maire peut être un vrai atout, mais peut aussi, dans certains cas, jouer contre les groupes. Leur travail aidera tout groupe à trouver la bonne distance avec les élus.
Quand l’appui des politiques ouvre des portes
Les chercheurs ont comparé les cas de Londres et Bristol entre 2012 et 2014. Ces deux villes anglaises sont bien connues à la fois pour le dynamisme de leur société civile sur les questions alimentaires, et leurs conseils de politique alimentaires. Elles sont un bon exemple de collaboration fructueuse entre société civile et élus.
De fait, les chercheurs montrent que le soutien du Maire pour les conseils de politique alimentaire de ces villes (à Londres, le London Food Board, et à Bristol, le Bristol Food Policy Council) leur a été d’une grande aide.
Tout d’abord, le soutien du Maire a permis d’intégrer des objectifs liés à l’alimentation dans les actions relevant de ses compétences. Ce périmètre de compétence varie d’une ville et d’un pays à l’autre, en fonction des pouvoirs du Maire. Dans les deux villes, cela a facilité le travail en interservices, a permis de débloquer des fonds d’autres départements en faveur des projets alimentaires, et, d’une manière générale, d’explorer les synergies entre objectifs politiques. Par exemple, à Londres, le projet Food Save a reçu un soutien financier du London Waste and Recycling Board.
Ensuite, l’appui du Maire a permis de donner un statut et de la légitimité aux questions d’alimentation. Un des enquêtés à Londres l’exprime ainsi : « si vous avez l’appui du Maire, alors le monde est à vous ». Les acteurs de la société civile ont eu la sensation de voir les portes s’ouvrir et de pouvoir atteindre des acteurs qu’ils auraient eu du mal à mobiliser sinon. Par exemple, à Bristol, cela a permis de rassembler les acteurs économiques pour les faire échanger sur la question du gaspillage alimentaire. Le London Food Board, de son côté, était sous l’égide du conseiller du Maire à l’alimentation, ce qui donnait à ses messages une crédibilité importante.
Un soutien qui n’est pas sans implications
Obtenir le soutien du Maire est donc généralement une bonne chose, mais cela peut présenter des limites dont les groupes de politique doivent avoir conscience.
Le risque principal est celui d’être associé de façon trop étroite avec une personnalité politique. En effet, cela peut s’avérer dangereux si la majorité change, car les élus suivants peuvent vouloir se différencier de leurs prédécesseurs. Pour cette raison, Jess Halliday, qui a mené cette recherche dans le cadre de son doctorat (et qui travaille maintenant pour RUAF Global Partnership), insiste sur le fait que les conseils de politique alimentaire doivent prendre très au sérieux leur capacité à survivre aux cycles politiques.
Les différences politiques au sein des gouvernements locaux peuvent également être un problème. A Londres, par exemple, les boroughs (les gouvernements locaux dans la ville) qui étaient gérés par un autre parti politique que celui du Maire ont pu être moins pressés de collaborer sur les questions d’alimentation. Par ailleurs, les changements dans les priorités politiques locales pendant le mandat ont rendu nécessaires une reformulation des objectifs alimentaires, pour s’aligner avec les nouvelles priorités. Par exemple, après les émeutes londoniennes de 2011, la question des opportunités offertes aux jeunes et leur formation est devenue une priorité, alors que jusque-là, c’est l’environnement qui était au cœur du Plan d’action de la stratégie alimentaire de la ville.
Trouver la bonne distance
L’espace politique dans lequel les groupes locaux de politique alimentaire peuvent opérer sera différent d’une ville à l’autre. Le conseil de Bristol est indépendant, bien que lié à la ville (qui assure son secrétariat). A Londres, le service en charge de l’alimentation héberge le London Food Board. Dans une autre ville, un autre pays, ce sera encore différent.
Jess Halliday souligne que l’analyse de l’expérience anglaise peut être utile pour des acteurs dans d’autres villes pour dessiner leur stratégie globale. En effet, ils doivent réfléchir aux bénéfices et limites de l’espace politique où ils se trouvent. Quels sont les bénéfices liés à leur positionnement institutionnel ? Quels en sont les limites ? Comment les contourner ?
Par exemple, si le fait de recevoir le soutien du Maire a des implications politiques, certaines analyses ou certains projets peuvent-ils être délocalisés dans d’autres organisations de la société civile ? A Londres, par exemple, l’évaluation de l’action alimentaire des boroughs a d’abord été publiée, non par le London Food Board, mais par l’une de ses organisations membres.
De cette façon, les groupes de politiques alimentaire peuvent bénéficier du soutien politique tout en trouvant la bonne distance.
Albane GASPARD
Novembre 2019
Urban Food Futures remercie Jess Halliday pour sa relecture et ses conseils
Crédits photo : Pixabay
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