Quelles pistes pour l’analyse des bassins alimentaires ?

L’analyse des bassins alimentaires permet de documenter la surface nécessaire pour nourrir une ville ou la provenance de son alimentation.

Il existe plusieurs types d’études, analyser conjointement leurs résultats est difficile car les méthodologies ne sont pas comparables.

Dans le futur, ces études devront améliorer la qualité des données récoltées, et intégrer d’autres flux urbains.

L’analyse des bassins alimentaires (foodshed en anglais) a émergé dans les années 1970, avec pour objectif de documenter les liens entre la production alimentaire dans les espaces ruraux et la consommation des villes. Un article récemment publié dans Environmental Research Letters passe en revue la recherche existante à ce sujet, et formule des recommandations pour améliorer les méthodologies et mieux intégrer ces études dans les politiques alimentaires urbaines.

Pourquoi avons-nous de besoin d’analyser les bassins alimentaires ?

Les villes sont des consommateurs nets : en effet, elles ont besoin de bien plus d’alimentation qu’elles ne peuvent en produire. Les analyses du bassin alimentaire, sur le modèle de celles des bassins versants, peuvent aider les chercheurs et les collectivités locales à estimer la surface nécessaire à l’alimentation d’une ville ou d’un territoire donné, les volumes associés et la provenance de l’alimentation. Dans une optique d’amélioration de la résilience d’un territoire, de telles études peuvent également éclairer sur les vulnérabilités et les dépendances, et donner des pistes pour assurer un approvisionnement sans heurts et de bons liens entre espaces ruraux et urbains.

Cependant, l’analyse des bassins alimentaires a eu recours à des méthodologies très différentes et a été appliquée à des échelles très variées. Chaque type d’étude a des bénéfices propres, néanmoins, cette grande variété d’objectifs, de méthodologies, d’hypothèses… rend difficile la comparaison entre études ou entre territoires. Elle ne permet pas non plus l’extrapolation des résultats d’une étude à d’autres contextes.

Trois grandes catégories d’études

Dans le cadre de son doctorat au Département de Géographie de l’Université McGill (Canada), Kerstin Schreiber et son équipe ont examiné en profondeur 42 analyses de bassin alimentaire, dont 19 consacrées à des villes et 23 à des régions ou des états. Ils ont regardé en détail leurs objectifs, leurs méthodologies, leurs similarités et leurs différences.

Les chercheurs ont classé les études de bassin alimentaire en trois grandes catégories :

  • Les études de capacité, qui cherchent à estimer le potentiel d’autonomie alimentaire locale. Elles utilisent des méthodes telles que les seuils d’autonomie, pour comparer consommation et production et calculer quelle serait la part de la demande qui pourrait être apportée par la production locale. Elles se basent également sur une estimation du bassin alimentaire, i.e. la surface (généralement un périmètre autour de la zone étudiée) qui serait nécessaire pour répondre aux besoins alimentaires de cette zone. Ces approches peuvent être combinées.
  • Les études des flux alimentaires: elles s’intéressent aux réseaux de flux entre les sources de production et les consommateurs (villes / régions). Elles examinent l’approvisionnement en provenance des sources periurbaines, urbaines, nationales et internationales. Elles permettent ainsi de calculer la consommation de ressources et les émissions de gaz à effet de serre associées.

Des données éparses, de faible qualité, et fragmentées

L’article met également en évidence les défis que soulèvent ces études. Le premier d’entre eux est la faible disponibilité de données de qualité et complètes. L’utilité des études peut en effet varier en l’absence de données sur la productivité des différentes cultures, les propriétés du sol, la saisonnalité, le profil socio-économique et les préférences culturelles des consommateurs… Il est donc essentiel de collecter et d’intégrer plus de données primaires, et encore plus dans les territoires où elles existent peu.

Par ailleurs, des outils comme l’analyse de sensibilité, qui pourraient être utilisés pour mieux comprendre les limites des calculs ou même les erreurs, sont rarement mis en œuvre.

Mieux contribuer aux politiques alimentaires

Afin que ces études permettent d’outiller les chercheurs, les décideurs et les planificateurs, Schreiber et son équipe formulent dans l’article des recommandations pour améliorer à la fois les modélisations et leur pertinence pour l’action. Il s’agit de :

  • Mieux comprendre les barrières physiques et sociales d’un territoire donné. Les études (et en particulier les études de capacité) manquent souvent de détail sur l’infrastructure de la zone étudiée, sur les motivations économiques potentielles qu’elle aurait à s’engager dans une production ou un approvisionnement local, sur la variété des systèmes de distribution possibles, sur les préférences des agriculteurs et des consommateurs… Elles bénéficieraient d’une analyse conjointe du périmètre d’une région donnée et de ses capacités physiques ou sociales.
  • Mieux comprendre les liens entre les flux alimentaires, flux urbains de matière et les ressources associées. L’analyse des bassins alimentaires pourrait devenir plus robuste et riche si elle intégrait des résultats issus de recherche en économie circulaire ou en métabolisme urbain. Par exemple, elle pourrait inclure les flux de déchets, de nutriments, l’origine des ressources matérielles et, étudier le potentiel de développement de systèmes plus intégrés.

Ainsi, de nombreuses études de bassins alimentaires bénéficieraient de développements méthodologiques sur certains points. Elles peuvent néanmoins dès maintenant aider à mieux comprendre les opportunités et les limites d’une relocalisation des systèmes alimentaires.

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