Un système alimentaire plus juste peut s’obtenir en combinant des politiques aval et des mesures plus amont qui ne sont pas toutes explicitement conçues comme des actions alimentaires (droit du travail, éducation, logement, transport…).
Les politiques alimentaires doivent s’ouvrir à ces nouveaux champs d’action.
Les villes peuvent être des laboratoires d’innovation en s’attaquant aux causes sous-jacentes des problèmes du système alimentaire.
Alors que les villes ont un contrôle limité sur la production alimentaire et la distribution, leurs compétences recouvrent cependant de nombreux domaines impactés par – ou ayant un impact sur – les systèmes alimentaires (foncier, santé publique, éducation, transport…). Mettre en lien ces sujets peut être source d’innovation et de rapprochement des services, des silos, ou des échelles, et permettre d’aller plus loin dans la résolution des problèmes auxquels sont confrontés les systèmes alimentaires.
Le cas de New York
Les efforts des acteurs New yorkais pour résoudre les problèmes de production alimentaire, d’insécurité alimentaire ou d’accès à une alimentation de qualité datent des années 1960. Depuis les années 2000, les enjeux d’obésité, de nutrition et de santé publique occupent désormais le devant de la scène. Les autorités locales ont cherché à résoudre chacun de ces problèmes, d’abord en silo, puis de façon coordonnée. Plus récemment, elles ont élargi leur champ d’action pour faire de la politique alimentaire un travail sur la justice sociale et économique, en développant des actions en réseau.
Dans un article publié récemment dans Food Policy, Nevin Cohen et Rositsa Ilieva documentent cette évolution des politiques alimentaires à New York. Et notamment, les politiques « amont » et « aval » mises en place.
- Par politiques « aval », ils entendent les politiques qui se focalisent sur la gestion d’un problème particulier.
- Par politiques « amont », ils font référence aux mesures qui cherchent à régler les causes du problème. Par exemple, ne pas seulement travailler sur la nutrition et l’accès à une alimentation de qualité, mais étendre le champ des mesures à la justice dans l’accès au logement, à l’éducation, aux contrats publics et à l’emploi.
Traiter les problèmes
Les politiques « aval » peuvent améliorer la situation de groupes sociaux ou des problèmes spécifiques. Elles peuvent être relativement rapides et faciles à mettre en place, mais sont souvent palliatives, et peuvent même renforcer des problèmes existants. Elles sont insuffisantes pour régler les problèmes sous-jacents.
A New York, de telles politiques incluent :
- Des mesures sur la nutrition: des standards de qualité minimaux pour l’alimentation servie par les services publics, l’interdiction de produits trop gras, l’éducation en milieu scolaire ou l’affichage des calories sur les menus.
- Des mesures contre la faim: programmes alimentaires destinés aux étudiants, suivi d’indicateurs d’insécurité alimentaire et du recours aux programmes d’aides.
- Des actions en faveur de la nature en ville: soutien et formation des agriculteurs urbains, circuits cours, suivi de la production et des déchets alimentaires, programmes visant à favoriser la participation à ces dispositifs.
S’attaquer aux causes
Les politiques « amont » peuvent, de leur côté, s’attaquer à des enjeux plus larges et interconnectés, qui ont trait aux relations de pouvoir (entre classes sociales, genres, appartenance ethnique…) et qui ont un impact sur l’alimentation. Il s’agit de travailler à des changements systémiques. Elles prennent ainsi plus de temps, convoquent plus d’acteurs et d’institutions, et demandent beaucoup d’imagination.
A New York, ces politiques prennent la forme suivante :
- Des mesures visant à favoriser l’accès de tous au budget participatif, une amélioration du transport public, la création d’espaces de dialogue locaux autour de l’alimentation, le développement de coopératives alimentaires, la mise en place d’une protection santé pour les travailleurs pauvres et les migrants.
- Des politiques de protection des travailleurs. Par exemple : un salaire minimum, une protection santé abordable et des congés maladie, une garde d’enfants gratuite, le développement de logements à loyer modérés. Mais aussi, une protection plus grande des travailleurs de l’alimentaire (fast foods, magasins alimentaires), des politiques de lutte contre la discrimination raciale, ou encore, le soutien à des entrepreneurs alimentaires ou des coopératives de travailleurs.
- Des politiques éducatives visant à améliorer l’accès à l’éducation supérieure et la participation citoyenne aux décisions publiques.
- Des mesures visant à améliorer les programmes fédéraux autour de l’alimentation (repas gratuits dans les écoles, amélioration des marchés publics).
- Un soutien aux groupes marginalisés et en difficulté, ainsi qu’aux travailleurs sans papiers (notamment les travailleurs agricoles) afin de leur permettre d’accéder à un accompagnement, du foncier ou des papiers. Le développement d’indicateurs de suivi sur les pratiques dans le milieu professionnel, les inégalités raciales ou la pauvreté des travailleurs agricoles entrent également dans cette catégorie.
Laboratoires politiques
Utilisées conjointement, les politiques amont et aval peuvent à la fois améliorer la situation de groupes sociaux et s’attaquer aux causes des injustices sociales, économiques et environnementales.
Les villes peuvent jouer un rôle de laboratoire politique, en explorant et expérimentant des politiques lorsque les gouvernements nationaux sont frileux. L’alimentation représente ainsi un formidable terrain d’innovation. Le cas de la ville de New York montre qu’un système alimentaire plus juste peut s’obtenir en combinant des politiques aval et des mesures plus amont qui ne sont pas toutes explicitement conçues comme des actions alimentaires, mais qui convoquent le droit du travail, l’éduction, le logement, le transport, la nature en ville ou bien encore la gestion des déchets.
A chaque ville d’inventer ses propres solutions.
Emma BURNETT
Octobre 2021
Urban Food Futures remercie Nevin Cohen pour sa relecture et ses conseils
Crédits photo : Pixabay
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