Le système alimentaire de votre ville est-il résilient ?

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Nous pensons peu à la façon dont notre alimentation arrive sur nos tables d’urbains. Nous n’avons pas non plus les idées claires sur ce qu’il se passerait si l’approvisionnement de nos villes était affecté par un événement. Lorsque la ville de Baltimore (Etats-Unis) a connu des émeutes en 2015, elle s’en rendue compte que son approvisionnement alimentaire était vulnérable. Elle a alors confié à une équipe de chercheurs du Johns Hopkins Center for a Livable Future la réalisation d’une étude pour compléter son Plan de préparation aux catastrophes (Disaster Preparedness Plan). Cette étude donne des bases méthodologiques claires pour toute ville souhaitant analyser la façon dont son système alimentaire pourrait réagir à des chocs, et s’en remettre.

Voici une vue d’ensemble des étapes clés qu’une ville peut suivre pour analyser la résilience de son système alimentaire.

Étape 1 – Comment votre système alimentaire fonctionne-t-il à l’heure actuelle ?

La première étape pour anticiper la façon dont votre ville pourrait se remettre d’un choc est de comprendre comment son système alimentaire fonctionne à l’heure actuelle. Quels sont les défis en terme d’accessibilité, de disponibilité et d’acceptabilité de l’alimentation sur votre territoire ? Dans les défis d’aujourd’hui vous trouverez les germes de vulnérabilités potentielles. Pour Erin Biehl, qui a dirigé ce travail au Johns Hopkins Center for a Livable Future, il est important, à cette étape, de regarder tous les aspects du système alimentaire. Trop souvent, dit-elle, on associe la résilience à la seule agriculture urbaine. Or, les enjeux vont bien au-delà.

Par exemple, à Baltimore, un habitant sur cinq est en situation d’insécurité alimentaire. Il pourra donc être difficile pour eux d’avoir des réserves leur permettant de « tenir » en cas d’interruption de l’approvisionnement. Les habitants qui vivent trop loin de supermarchés pour pouvoir y aller à pied courent le risque d’être dans l’incapacité de se fournir en aliments frais si, pour une raison ou une autre (par exemple, la fermeture de routes), ils n’étaient plus en mesure d’utiliser leur voiture ou les transports en commun.

Un autre défi du système alimentaire actuel de Baltimore est le manque de main d’œuvre dans le secteur des transports (et en particulier des transports routiers). Si un événement, par exemple, une épidémie, empêchait les employés de ces entreprises de se rendre au travail, il serait difficile de trouver des remplaçants temporaires.

Dernier exemple, la concentration des activités de transformation alimentaire dans des grandes usines, et le déclin des transformateurs locaux. Au-delà d’un souci sur le plan du développement économique local, cette situation soulève également un défi en terme de résilience. En effet, si une usine de grande taille était touchée par un événement (tempête, coupure de courant…), cela pourrait s’avérer difficile pour un transformateur local de compenser rapidement cette perte d’activité.

Étape 2 – Quels sont les risques auxquels votre système alimentaire est exposé ? Quelles sont ses principales vulnérabilités ?

Un système alimentaire ne fonctionne plus correctement quand l’alimentation n’est plus soit :

  • physiquement ou économiquement accessible ;
  • disponible (à cause d’une rupture d’approvisionnement, ou d’un arrêt des dons alimentaires, par exemple) ;
  • acceptable (parce qu’elle n’est pas sûre, ou qu’elle n’est pas culturellement ou nutritionnellement adéquate).

Lorsque vous avez une bonne vision de la situation actuelle, la deuxième étape de l’analyse consiste à regarder plus en détail les risques auxquels votre système alimentaire est exposé. Quels sont les risques auxquels votre système alimentaire est exposé ? Quelle est leur probabilité ? Quels impacts auraient-ils, étant donné le contexte local ?

Ces risques peuvent survenir dans la ville elle-même, mais également en dehors, sur les territoires où l’alimentation est produite, transformée ou transportée. L’étude de Baltimore distingue deux catégories :

  • Les risques naturels, comme, par exemple, les tempêtes, les inondations et les risques côtiers, les sécheresses, les vagues de chaleur, ou même des épidémies. A Baltimore, seulement 7% des écoles sont localisées près de routes qui sont dégagées en priorité en cas de neige. Or, les écoles jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire de la ville, en nourrissant les enfants, mais également les services d’aide alimentaires qui y sont traditionnellement aux États-Unis. Les chercheurs ont également mis en évidence qu’une épidémie pourrait empêcher les employés de secteurs clés (écoles, hôpital…) de faire leur travail. Côté transport, ils ont mis en lumière le fait que le blocage d’une seule route clé de la ville rendrait l’approvisionnement venant d’un grand nombre d’entrepôts impossible.
  • Les risques non naturels (incident technologique, émeutes, contamination de l’alimentation). Les entretiens menés avec les parties prenantes du système alimentaire ont montré qu’il est probable que les petits commerçants ou les associations n’aient pas de générateurs de secours, car ceux-ci sont chers. Une coupure de courant importante les empêcherait donc d’exercer leur activité.

Étape 3 – Quel est le niveau de préparation des acteurs ?

Après avoir cartographié les principales vulnérabilités, l’étape suivante consiste à analyser si les acteurs de la ville sont préparés à faire face à ces risques. Des entretiens avec les parties prenantes du système alimentaire vous apporteront cette information. Pour Erin Biehl, planifier la résilience alimentaire implique de prendre en compte les points de vue des représentants des acteurs du système alimentaire mais également des gens de terrain qui ont l’expérience d’événements passés ou des populations.

A Baltimore, les entretiens ont révélé que le degré de préparation varie selon les acteurs. Les grandes entreprises interrogées ont les ressources nécessaires pour mettre en place des plans d’urgence, mais cela pourrait être plus difficile pour les petites et moyennes entreprises et les associations. De nombreuses organisations ont fait remarquer que le turn-over rapide d’employés empêche d’atteindre un bon niveau d’information, ou, même, qu’il est difficile de se préparer à des événements dont vous n’avez jamais fait l’expérience.

La même question se pose aussi pour la population de la ville en général : comment réagirait-elle à un événement ? Quelles sont ses pratiques alimentaires actuelles, notamment en terme de stockage d’aliments ?

Étape 4 – Établir une stratégie

Voici quelques conseils pour mettre en place une stratégie de résilience alimentaire :

  • Exploitez les synergies entre les actions qui augmentent la résilience et celles qui agissent sur les problèmes actuels du système alimentaire. Par exemple, les mesures qui réduisent l’insécurité alimentaire permettront à plus d’habitants de pouvoir stocker de la nourriture, et donc de tenir en cas d’interruption temporaire de l’approvisionnement. Erin Biehl souligne qu’à travers ce travail, elle a pris conscience de l’importance d’agir sur les problèmes actuels pour assurer la résilience future.
  • Cherchez à construire un système alimentaire redondant, pour éviter d’être dépendant de quelques routes ou d’une poignée d’entreprises de transformation, de distribution…
  • Soutenez les acteurs qui sont le moins en capacité de se préparer ou de faire face à un événement. A Baltimore, il s’agit notamment des petites entreprises et des ménages en situation d’insécurité alimentaire. Par exemple, la ville est en train de développer des Resilience Hubs, où de la nourriture et de l’eau sera accessible aux ménages en un seul point en cas d’événement.
  • Introduisez de la résilience dans votre politique alimentaire, ou de l’alimentation dans vos plans d’adaptation !

Albane GASPARD – Novembre 2017

L’auteure remercie Erin Biehl pour sa relecture et ses conseils

Source: Biehl, Erin; Buzogany, Sarah; Huang, Alice; Chodur, Gwen; Neff, Roni (2017), Baltimore Food System Resilience Advisory Report

Crédit photo : Pixabay

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